Transparency International en appelle à la redevabilité dans le commerce de litchi de Madagascar
Des demandes d’action en justice ont été transmises à Madagascar et en France concernant de possibles faits de corruption
Le 10 novembre 2022 – Aujourd’hui, Transparency International et sa section malgache Transparency International – Initiative Madagascar ont déposé un signalement auprès du Parquet National Financier en France et du Pôle Anti-Corruption à Madagascar, appelant ces autorités à ouvrir une enquête sur de possibles faits criminels commis par des sociétés et des individus impliqués dans le commerce de litchi de Madagascar. Les documents transmis détaillent plusieurs faits de corruption supposés de la part d’entreprises et de citoyens français d’une part, et d’organisations malgaches exportant vers l’Union Européenne d’autre part, que ces deux pays ne peuvent plus longtemps continuer d’ignorer.
Pendant plus d’une décennie, une poignée d’individus a exercé une mainmise sur les exportations de litchi malgache, sans transparence ni redevabilité, alors que de potentielles violations sont passées inaperçues. Transparency International a effectué des recherches sur ce commerce opaque et a trouvé des preuves de nombreuses infractions potentielles, notamment de corruption transnationale, d’accords illicites, de fraude fiscale, de blanchiment et de dissimulation de ces infractions.
Le « Groupement des Exportateurs de Litchis » (GEL) est une association privée à qui le gouvernement malgache a confié la responsabilité de gérer les campagnes d’exportation de litchi depuis 2011. Vraisemblablement sans appel d’offres, le GEL a simplement attribué à deux entreprises françaises des droits exclusifs d’exportation de litchi de Madagascar vers l’Union Européenne entre 2011 et 2021. D’après les recherches de Transparency International, ces entreprises auraient, à leur tour, apparemment payé des cotisations au GEL, alors que cette organisation est composée exclusivement d’entreprises malgaches exportatrices de litchi. Ceci pourrait constituer un acte de corruption.
Par ailleurs, la société « The Litchi Trading Company Ltd » (LTC) a été créée par le GEL pour servir d’intermédiaire commercial entre elle et les entreprises françaises, réduisant davantage la transparence. Les bénéficiaires réels de LTC et ses profits sont inconnus du public, malgré son rôle clé. LTC été enregistrée à l’ile Maurice, un pays notoirement opaque, qui figurait encore dans la liste des pays tiers à haut risque fiscal de l’Union Européenne jusqu’en janvier de cette année. A minima, les signalements de Transparency International justifient une enquête approfondie sur les entreprises françaises, les organisations malgaches et les individus impliqués dans le commerce de litchi.
L’opacité des actions de ces entités a considérablement affaibli ce secteur d’activité. Les producteurs de litchi gagnent moins, alors que les consommateurs européens payent plus pour des litchis dont la qualité a baissé dans un contexte de concurrence déloyale, le tout au seul bénéfice de quelques acteurs influents. Par conséquent, les exportations de litchi vers l’Union Européenne ont été quasiment divisées par deux depuis 2008, et les importateurs européens commencent à se tourner vers d’autres pays offrant des fruits de meilleure qualité à des prix plus compétitifs, et de meilleurs opportunités. Cette situation prive l’économie malgache d’une source essentielle de revenus.
Pour Ketakandriana Rafitoson, la Directrice exécutive de Transparency International – Initiative Madagascar, « La majorité des profits générés par le commerce lucratif de litchi entre Madagascar et l’Union Européenne est concentrée entre les mains de quelques individus puissants ayant des liens avec le pouvoir politique, au détriment de dizaines de milliers de petits producteurs et collecteurs qui ne reçoivent pas leur juste dû. Nous en appelons aux autorités en France et à Madagascar afin qu’elles enquêtent et prennent les mesures appropriées pour rétablir la justice, l’équité et la transparence dans la filière litchi ».
Lorsque des entreprises multinationales obtiennent une influence indue sur des marchés étrangers, les institutions publiques et les économies des pays vulnérables en paient le prix fort. Cette corruption transnationale n'est pas seulement un problème à Madagascar. C'est la raison pour laquelle la lutte contre la corruption transnationale est fondamentale. Le rapport 2022 sur l'exportation de la corruption que Transparency International a publié le mois dernier a révélé que les efforts de répression des actes de corruption commis par des agents publics étrangers sont à un niveau historiquement bas, avec seulement deux pays enquêtant et poursuivant activement ces infractions à la hauteur de leur niveau d’exportations.
D’après Gillian Dell, Responsable des conventions à Transparency International: « Les gouvernements ont une responsabilité envers leurs propres citoyens et la communauté internationale d'empêcher les entreprises de conclure des transactions illicites et de payer en échange d’une influence indue sur les marchés à l’étranger. De tels abus menacent la stabilité économique et les moyens de subsistance des individus et des communautés partout dans le monde. Nous exhortons la France et Madagascar à servir de modèles au monde, afin de prouver aux entreprises que la corruption n’est pas sans conséquence. »