L’Indice de perception de la corruption 2022 réleve le cercle vicieux de la corruption, de la violence et de l’instabilité en Afrique subsaharienne
Quatre pays à peine obtiennent un score de plus de 50 points sur 100
Berlin, 31 janvier 2023 – L’Indice de perception de la corruption 2022 (IPC) publié aujourd’hui par Transparency International réleve une situation désastreuse en Afrique subsaharienne : la majorité des pays de la région n’ont fait aucun progrès contre la corruption, leur niveau restant le même et la quasi-totalité (90 %) obtenant un score inférieur à 50.
Pourtant, la corruption n’est pas le seul des maux accablant la région : elle est aussi l’une des moins pacifiques du globe selon l’Indice mondial de la paix. Et ceci n’a rien de surprenant car corruption et conflit font bon ménage et forment un cercle vicieux, de sorte que les pays en situation de conflit sont gagnés par la corruption, et la corruption à son tour est moteur de conflit. La République centrafricaine (24), le Soudan (22), la République démocratique du Congo (20), le Soudan du Sud (13) et la Somalie (12) sont rangés parmi les dix pays les moins pacifiques de la planète et figurent aussi dans la liste des 30 pays les moins bien classés de l’IPC.
Samuel Kaninda, Conseiller Régional pour l’Afrique de Transparency International s’exprime ainsi :
« À l’heure actuelle, les populations du continent africain sont assaillies de toutes parts par de multiples difficultés – pénuries alimentaires, hausse du coût de la vie, une pandémie qui n’en finit pas et de nombreuses situations de conflits. Mais en dépit du fait que la corruption vient alimenter et compliquer chacune de ces crises, les gouvernements de la région, pour la plupart, continuent de négliger les efforts requis pour lutter contre ce fléau. Les Africains ont besoin que leurs dirigeants ne se contentent plus de simples mots et engagements et prennent des mesures fortes et décisives pour éradiquer la corruption qui est omniprésente, en particulier en ces temps si durs, sinon la situation ne fera qu’empirer. »
POINTS À RETENIR CONCERNANT L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE
L’IPC classe 180 pays et territoires sur une échelle qui va de zéro (0 = forte corruption) à cent (100 = aucune corruption), en fonction du degré de perception de la corruption dans le secteur public.
Le score moyen de l’Afrique subsaharienne reste le plus bas du monde, perdant même un point cette année pour atteindre 32.
- Les Seychelles (70) arrivent en tête de la région, et suivent, mais assez loin derrière, le Cap-Vert et le Botswana avec 60 points.
- Le Burundi (17), la Guinée équatoriale (17), le Soudan du Sud (13) et la Somalie (12) obtiennent les scores les plus bas de la région.
- Le Lesotho (37), l’Eswatini (30), le Gabon (29), le Liberia (26) et les Comores (19) se situent à un niveau historiquement faible cette année.
- Depuis 2017, seul l’Angola (33) a vu son classement IPC remonter notablement.
Pour connaître le score de chaque pays et son évolution dans le temps, ainsi que l’analyse par grande région, consulter la page Régions de l’IPC 2022.
CORRUPTION, CONFLIT ET SÉCURITÉ
Des niveaux élevés de corruption laissent les États exsangues, sans ressources ni soutien public, incapables de prévenir les conflits, alors que les populations du continent se démènent encore pour enrayer les effets de la pandémie et affronter l’augmentation du coût de la vie. Or la violence et l’instabilité qui gangrènent de nombreux pays de la région – qu’elles résultent de coups d’État militaires, de l’extrémisme, de la terreur ou de la criminalité – alimentent davantage la corruption.
- Dans la région du Sahel, par exemple, la violence incessante alimente l’instabilité et favorise la corruption. Les groupes terroristes ont gagné du terrain, en partie en exploitant le mécontentement des citoyens vis-à-vis des gouvernements, et en dénonçant des faits de corruption. Le conflit qui perdure est à l’origine de plusieurs coups d’État, dont deux au Burkina Faso (42) rien que cette année et un au Mali (28) l’an dernier. La mainmise autoritaire des forces militaires fait que la corruption a toute la place pour s’installer.
- Après des décennies d’hostilités sur son territoire, le Soudan du Sud (13) est plongé aujourd’hui dans une crise humanitaire majeure, plus de la moitié de la population étant confrontée à une très grave crise alimentaire – et la corruption ne fait qu’exacerber la situation. Un rapport de l’organisation d’investigation The Sentry de l’année dernière a révélé qu’une fraude massive, ourdie par un réseau de politiciens corrompus et entretenant des relations avec la famille du Président, avait permis de détourner des fonds destinés à l’aide alimentaire, et à l’acquisition de médicaments et de carburant.
- Les groupes armés illégaux continuent de sévir et de répandre la violence en République démocratique du Congo (20). La corruption parmi les fonctionnaires permet à ces groupes pour s’approprier les ressources naturelles du pays, financer leur brutalité, privant les autorités gouvernementales de moyens et la population de biens de première nécessité.
- La Somalie (12) reste au bas du classement de l’IPC et continue d’être l’une des nations les moins pacifiques du monde. Depuis une trentaine d’années, la violence et l’instabilité déciment ce pays, laissant de nombreux Somaliens dans des conditions humanitaires pressantes. La corruption est endémique, mais les responsables publics ne semblent toujours pas vouloir se saisir du problème. Le Président nouvellement élu, Hassan Sheikh Mohamud, a même dissout deux organismes clés de lutte contre la corruption en octobre dernier.
Transparency International appelle les gouvernements à accorder la priorité aux engagements de lutte contre la corruption, en renforçant les équilibres des pouvoirs, en garantissant le droit à l’information et en limitant les influences privées, afin d’aider le monde à se libérer de la corruption – et de la violence que celle-ci entraîne.
Daniel Eriksson, Directeur Général de Transparency International, a déclaré :
« La bonne nouvelle est que les dirigeants peuvent en même temps combattre la corruption et promouvoir la paix. Les gouvernements doivent ouvrir les espaces permettant aux citoyens – militants, entrepreneurs, membres de communautés marginalisées, jeunes, etc. – de participer à la prise de décisions. Dans les sociétés démocratiques, le peuple peut faire entendre sa voix pour aider à éradiquer la corruption et exiger un monde plus sûr pour tous. »
NOTE AUX RÉDACTEURS
La page médias contient le rapport IPC 2022, ainsi qu’un ensemble complet de données et la méthodologie suivie, le communiqué de presse international et une analyse complémentaire de la région subsaharienne en anglais et en français. Consulter ce lien : https://www.transparency.org/en/cpi/2022/media-kit.
DEMANDE D’ENTRETIENS
Pour toute demande concernant un pays en particulier, merci de contacter les sections nationales de Transparency International.
Et pour toute demande de précision concernant les constatations aux niveaux régional et mondial, merci de prendre contact avec le secrétariat de Transparency International : [email protected].
À PROPOS DE L’INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION
Depuis sa création en 1995, l'Indice de perception de la corruption est devenu le principal indicateur, à l’échelle mondiale, de la corruption dans le secteur public. Il permet de classer 180 pays et territoires en fonction de ce critère, en utilisant des données provenant de 13 sources externes, dont celles de la Banque mondiale, du Forum économique mondial, de sociétés privées de conseil et de gestion des risques, de groupes de réflexion et autres. Les scores attribués reflètent l’opinion d’experts et de personnalités du monde des affaires.
La méthodologie de calcul de l’IPC est régulièrement revue pour garantir, autant que possible, son caractere solide et et cohérent. Et elle l’a été récemment, en 2017, par le Centre commun de recherche de la Commission européenne. Depuis 2012, tous les scores IPC sont comparables d’une année à une autre. Pour plus d’informations, cet article est à votre disposition : L’abc de l’IPC : calcul de l’Indice de perception de la corruption.