IPC 2021 : Faits à retenir et réflexions
180 pays. 180 scores. Comment votre pays est-il classé ?
Image: Amy Chiniara © Transparency International
Deux ans après de début de la pandémie de COVID-19, qui a été dévastatrice, l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2021 montre que la situation dans ce domaine a stagné dans le monde entier.
Malgré des engagements sur le papier, 131 pays n’ont fait aucun progrès significatif dans la lutte contre la corruption au cours de la dernière décennie et, cette année, le score de 27 pays se situe à un niveau historiquement bas. Dans le même temps, les droits humains et la démocratie sont la cible d’attaques partout dans le monde.
Ce n’est pas une coïncidence. La corruption est un terrain propice à la violation des droits humains. À l’inverse, la garantie des libertés et des droits fondamentaux de la personne fait que la corruption a moins de chance de se développer sans que des voix ne s’élèvent pour la dénoncer.
Les résultats de l’IPC de cette année révèlent que les pays garantissant les libertés civiles et politiques contrôlent généralement mieux la corruption. Le respect des libertés fondamentales – liberté d’association, liberté d’expression – est crucial pour appuyer les efforts en faveur d’un monde où la corruption n’existe plus.
Il est urgent d’accélérer la lutte contre la corruption si nous voulons mettre un terme aux violations des droits humains et au déclin de la démocratie à l’échelle de la planète.
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Points à retenir de l’IPC 2021
L’indice classe 180 pays et territoires en fonction du niveau de corruption dans le secteur public, tel qu’il est perçu par des experts et des gens d’affaires. Il s’appuie sur 13 sources de données indépendantes et utilise une échelle allant de 0 à 100, la note de zéro qualifiant un pays où la corruption est élevée et la note de cent un pays où la corruption est absente.
Plus des deux tiers des pays (68 %) obtiennent un score inférieur à 50 et le score global moyen reste inchangé à 43. Depuis 2012, 25 pays ont nettement amélioré leurs scores, mais au cours de la même période, 23 pays ont considérablement régressé.
L’IPC UTILISE UNE ÉCHELLE DE 0 À 100
Les pays les mieux et les moins bien classés
Cette année, les pays les mieux classés sont le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande, chacun obtenant un score de 88. La Norvège (85), Singapour (85), la Suède (85), la Suisse (84), les Pays-Bas (82), le Luxembourg (81) et l’Allemagne (80) complètent la liste des 10 pays en tête.
Le Soudan du Sud (11), la Syrie (13) et la Somalie (13) restent au bas de l’échelle.
Les pays en proie à des conflits armés ou sous un régime autoritaire obtiennent en général les scores les plus bas, entre autres le Venezuela (14), l’Afghanistan (16), la Corée du Nord (16), le Yémen (16), la Guinée équatoriale (17), la Libye (17) et le Turkménistan (19).
Découvrez les avancées et les reculs de l’année pour les régions Amériques, Asie Pacifique, Europe de l'Est et Asie Centrale, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Afrique Sub-Saharienne, or Europe de l'Ouest et Union Européenne.
Quels sont les changements notables ?
Dans l’ensemble, l’IPC 2021 révèle que le contrôle de la corruption a stagné ou s’est détérioré dans 86 % des pays au cours de la dernière décennie.
Changements de score sur l'IPC, 2012-2020
Sur les cinq dernières années, plusieurs pays en particulier ont considérablement chuté dans l’indice : le Canada (-8), le Nicaragua (-6), le Honduras (-6) et le Venezuela (-4). Les progrès les plus significatifs au cours de la même période sont à mettre au compte de l’Arménie (+14), l’Angola (+10), la Corée du Sud (+8), l’Ouzbékistan (+6), la Moldavie (+5) et l’Éthiopie (+4).
Pays dont le score a le plus évolué sur les dernières cinq années
Parallèlement, le score de plusieurs démocraties connues pour leurs efforts de lutte contre la corruption dans le monde entier et qui se trouvaient en tête de l’Indice s’est détérioré. Bon nombre de ces pays enregistrant des notes élevées restent des havres sûrs pour les personnes corrompues de nationalité étrangère.
Découvrez les pays, auparavant les mieux classés, qui glissent vers le bas dans l’IPC, notamment parce qu’ils aident certains dirigeants corrompus de pays moins bien notés à échapper à leurs responsabilités au regard des abus commis en matière de droits humains.
Les atteintes aux droits
Qu’il s’agisse de la répression des partisans de l’opposition en Biélorussie ou de la fermeture des médias et des organisations de la société civile au Nicaragua, ou encore de la violence meurtrière contre les manifestants au Soudan et de l’assassinat des défenseurs des droits humains aux Philippines, les droits de la personne et la démocratie sont menacés partout dans le monde.
De plus en plus, les droits en général et les contrepoids au pouvoir sont minés non seulement dans les pays où la corruption est systémique et les institutions faibles, mais aussi dans les démocraties établies. Depuis 2012, 90 % des pays ont stagné ou vu leur score régresser dans le domaine des libertés civiles sur l’Indice de la démocratie.
La pandémie de COVID-19 a également été utilisée comme un prétexte dans de nombreux pays pour restreindre les libertés fondamentales et passer outre les systèmes de freins et de contrepoids.
Et en dépit de la dynamique internationale croissante visant à empêcher le recours abusif aux sociétés-écrans et fictives, de nombreux pays présentant des scores élevés et donc un secteur public relativement « sain » continuent de fermer les yeux sur la corruption transnationale.
Lien entre corruption et droits humains
Notre analyse des résultats de l’IPC de cette année montre que le respect des droits humains est un facteur crucial dans la lutte contre la corruption, les pays violant les libertés civiles obtenant en général un score plus bas sur l’Indice.
La corruption compromet la capacité des États à garantir les droits fondamentaux de leurs citoyens, affectant en particulier la prestation des services publics, l’administration de la justice et la sécurité collective. Les actes de corruption commis par des fonctionnaires de haut rang sont une combinaison, en général, de malversations de fonds publics à grande échelle et de violations flagrantes des droits humains.
Notre analyse montre que de tels mécanismes de corruption – souvent facilités par les économies avancées qui obtiennent de bons résultats dans l’IPC – exacerbent la répression et permettent aux autocrates de :
1. Jouir des fonds spoliés. Par le biais de banquiers, d’avocats et d’agents immobiliers complices dans les grands centres financiers, la classe corrompue peut accumuler ses gains illicites, récompenser ses acolytes et concentrer davantage son pouvoir.
2. Blanchir leur réputation à l’étranger. En soudoyant les politiciens de pays étrangers et en engageant des sociétés de relations publiques et des lobbyistes occidentaux, les régimes autoritaires et kleptocrates parviennent à alléger la pression internationale sur leur bilan en matière de droits humains.
3. Échapper à leurs responsabilités. En recourant à des structures et à des sociétés secrètes et en faisant des investissements de manière anonyme, les personnes coupables de ces actes répréhensibles réussissent à les dissimuler aux autorités policières ou judiciaires et à échapper à leurs conséquences.
Les droits humains ne sont pas simplement un rempart contre la corruption. L’autoritarisme soumet les efforts de lutte contre ce fléau aux caprices d’une élite. Faire en sorte que la société civile et les médias puissent s’exprimer librement et exiger des comptes au pouvoir est la seule voie durable vers une société exempte de corruption.
La garantie des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression, la liberté de réunion et l’accès à la justice assurent la pleine participation du public et aident au contrôle des menaces de corruption. La vague actuelle d’autoritarisme n’est pas tant due aux coups d’État et aux violences qu’aux efforts graduels pour saper la démocratie. Tout commence assez souvent par des atteintes aux droits civils et politiques, par des actions visant à ébranler l’indépendance des organes de surveillance ou chargés des élections, et à museler les médias.
De telles attaques permettent aux régimes corrompus d’échapper à la critique et d’éviter de rendre des comptes, ce qui laisse le champ libre à la corruption.
Corruption et atteintes aux libertés civiles
Source : Economist Intelligence Unit, Indice de la démocratie 2020.
Arménie
L’Arménie est un bel exemple de réussite dans les efforts qu’elle a entrepris au cours des cinq dernières années : ce pays a en effet amélioré son classement dans l’IPC de 14 points depuis 2017 et son score actuel est de 49. Les manifestations massives de 2018 ont chassé du pouvoir une élite politique pourtant bien établie et un gouvernement réformateur a pris sa place. Ce pays a depuis élargi les libertés civiles, ouvrant la voie à un engagement et à une responsabilisation civiques plus durables. Mais en dépit des progrès accomplis, le programme de réforme est au point mort depuis l’année dernière et le gouvernement doit le relancer.
Ouzbékistan
L’Ouzbékistan est l’un des pays dont l’amélioration est la plus constante, puisqu’il est passé d’un score très bas de 17 en 2012 à 28 en 2021. Les réformes adoptées depuis 2016 ont contribué à un modeste assouplissement des libertés civiles, en particulier de la liberté d’expression. Cependant, l’Ouzbékistan demeure une autocratie et beaucoup reste à faire pour parvenir à des avancées durables en matière de lutte contre la corruption.
Singapour
Une économie modernisée, une bureaucratie efficace et un solide État de droit contribuent au succès de ce pays. Mais il continue d’être à la traîne en matière de libertés fondamentales (liberté d’expression et d’association), ce qui signifie que tout succès dans la lutte contre la corruption est lié à la volonté politique de l’élite dirigeante et risque donc de ne pas être durable.
Un climat qui ne favorise pas la prise de parole
Le climat de corruption et d’impunité porte atteinte à la sécurité de ceux voulant s’exprimer et réclamant la justice. En 2020, 98 % des cas d’homicides contre les défenseurs des droits humains (331 au total) ont eu lieu dans des pays où le niveau de corruption du secteur public est élevé, comme le montrent les pays dont le score moyen de l’IPC est inférieur à 45. Une vingtaine au moins de ces crimes ont été commis contre des activistes travaillant spécifiquement sur le thème de la lutte contre la corruption.
Corruption et meurtres des défendeurs et défenseuses des droits humains
Source : Frontline Defenders, Analyse mondiale 2020.
Nicaragua
Le Nicaragua a chuté de 9 points dans l’IPC depuis 2012, et atteint aujourd’hui un score d’à peine 20. Le président au pouvoir depuis de longues années, Daniel Ortega, a répondu aux allégations de corruption par une répression contre les médias, l’espace civique et les institutions de surveillance. Les scores du Nicaragua en matière de liberté d’expression, de liberté d’association et d’accès à la justice ont chuté à des niveaux historiquement bas.
Philippines
Avec un score de 33 et une perte de 5 points depuis 2014, les Philippines connaissent un recul significatif. Depuis l’élection de Rodrigo Duterte, ce pays affiche également une nette régression en matière de libertés d’association et d’expression, ce qui complique le débat autour des questions de corruption. En 2020, avec le chiffre de 25 défenseurs des libertés assassinés, c’est le pays qui enregistre le deuxième score le plus élevé dans ce domaine.
Azerbaïdjan
L’Azerbaïdjan se positionne dans le tiers inférieur de l’IPC depuis 2012, son score oscillant entre 25 et 30. En 2017, l’enquête sur l’affaire des lavomatiques a mis au jour la façon dont une énorme caisse noire d’argent public a servi à financer le blanchiment de la réputation du régime, par le biais de versements à des politiciens européens – principalement par l’intermédiaire de la banque Danske –, et d’assurer l’arrestation de fervents opposants au régime et de personnalités des médias de ce pays.
Ce qui doit être fait
Si la corruption est un problème qui revêt de multiples facettes, c’est néanmoins un mal dont nous connaissons les remèdes. Nous appelons l’opinion publique à exiger des gouvernements qu’ils honorent leurs propres engagements en matière de lutte contre la corruption et de garantie des droits ; plusieurs de ces engagements, pris il y a plusieurs décennies, ne sont toujours pas respectés. En fait, nombre des succès remportés dans la lutte contre la corruption au cours de l’histoire récente sont dus aux efforts inlassables et coordonnés de personnes ordinaires, qui ont pris des risques considérables pour faire bouger les choses.
Pour mettre fin au cercle vicieux de la corruption, des violations des droits humains et du déclin démocratique, il faut exiger des pouvoirs publics qu’ils agissent dans le but de :
- Garantir les droits nécessaires pour que le pouvoir soit tenu de rendre des comptes. Les gouvernements doivent lever toutes les restrictions disproportionnées aux libertés publiques, imposées depuis le début de la pandémie, notamment la liberté d’expression, d’association et de réunion. Punir les coupables des crimes commis contre les défenseurs des droits humains doit également être une priorité absolue.
- Rétablir et renforcer les contrôles institutionnels sur le pouvoir. Les organes de contrôle des instances publiques, tels que les organismes de lutte contre la corruption et les autorités supérieures d’audit et de contrôle des comptes doivent être indépendants, dotés des moyens nécessaires et habilités à détecter et à sanctionner les actes répréhensibles. Le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire doivent également être vigilants et agir pour prévenir les abus du pouvoir exécutif.
- Combattre les formes transnationales de corruption. Les gouvernements des économies avancées doivent corriger les faiblesses systémiques qui permettent à la corruption transfrontalière de s’infiltrer, sans être détectée ni sanctionnée. Ils doivent combler les lacunes juridiques si elles existent, réglementer les professions qui jouent un rôle dans la criminalité financière et veiller à ce que les personnes corrompues et leurs complices ne puissent pas échapper à la justice.
- Garantir le droit à l’information concernant les dépenses publiques. Dans le cadre de leurs efforts de relèvement postpandémique, les États doivent tenir leur promesse contenue dans la déclaration politique de juin 2021, adoptée dans le cadre de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, visant à introduire des mesures de sauvegarde contre la corruption dans les procédures de marchés publics. L’assurance d’une transparence maximale dans les dépenses publiques est l’une des solutions permettant de protéger la vie et les moyens de subsistance.
Pour approfondir l'analyse
Lisez le rapport de l'IPCFor any press inquiries please contact [email protected]